Si tu étais encore en vie, je serais directement venue chez toi après cette journée éprouvante. Je t'aurais tout raconté, du début à la fin. Tu aurais perçu mes peines à travers mon récit, tu aurais ressenti ce que je ressens, tu m'aurais conseillée mieux que personne. A cette heure-ci, nous serions allongés sur ton lit, ou assis à son bord, en train de boire un thé bien chaud. Tu m'écouterais sans m'interrompre, en souriant parfois, en m'interrogeant d'un regard d'autres fois. J'aurais toute ton attention, tout ton réconfort.
Tu aurais su me dire ce que je dois faire, parce que tu aurais pensé à mon bien-être en premier. On en aurait discuté, on aurait pesé le bon et le moins bon. Tu étais cette autre partie de moi, qui m'aidait à y voir plus clair, à prendre du recul. Tu étais cette épaule sur laquelle poser ma tête. Tu me débarrassais du poids du monde, tu me délivrais de mes tracas, tu me libérais.

J'ai besoin de ton aide, de ton regard sur le monde. Tu étais brillant, perspicace, tu voyais ce que les autres ne voyaient pas, tu y réfléchissais, avec beaucoup d'intelligence, beaucoup de clairvoyance.

Qu'est ce que je dois faire, mon Michel... ? Dois-je continuer un travail qui me tracasse et me fait me sentir de trop, bien que ça va m'apporter de l'expérience et de l'argent, ou alors abandonner, me concentrer sur mes études, rester pauvre et à l'écart du monde du travail ? Dois-je surpasser mes craintes sur le monde et les gens, faire un pas en avant, me forcer, ou dois-je me laisser aller, m'écouter, me reposer ? Que me dirais-tu ?

Certainement d'attendre de voir, et de ne pas insister si je n'y trouve pas ma place, si je ne m'y sens pas à mon aise. Ne pas me forcer juste pour faire plaisir à maman, ou aux autres. Penser à moi.

Tu me manques, tout le temps. L'autre jour je me suis réveillée avec la sensation de t'avoir vu pendant la nuit. J'arrivais à voir tes mains, leurs courbes, à ressentir leur douceur, leur délicatesse. J'ai certainement rêvé de toi, et plein de sensations se sont réveillées. C'était comme si j'avais pu te retrouver l'espace d'un instant.

A longueur de journée je me souviens de toi. Je revois ton visage, je ne veux pas en perdre une miette. Je sais qu'un jour mes souvenirs ne seront plus aussi nets, et ça me fait peur. Des détails m'échappent déjà, j'en suis certaine. Je ne veux pas perdre ce qui me reste de toi : mes souvenirs. Alors j'écris, j'écris tout ce qui me passe par la tête, dans ces petits carnets que j'ai toujours dans ma poche, contre mon coeur. Tu es là Michel, tu es en moi, tu vis. Tu vis peut-être encore plus intensément qu'avant. Je peux te dire que tu es aimé, comme tu n'aurais jamais imaginé pouvoir l'être un jour.
Depuis ta mort, l'amour que je te voue a changé. Il est beaucoup plus pur, beaucoup plus vrai. C'est un amour sans retour, c'est un amour inconditionnel.

Me ressens-tu, de là où tu es... ? J'aimerais. Il faudrait que tu saches... que tu voies comme je t'aime. C'est surprenant, c'est plus intense que tout, plus profond que tout. Je pourrais me tuer pour toi. Pour ne plus souffrir de ton absence. Je pourrais tout de donner, jusqu'à ma propre vie.